Une jeunesse allemande de Jean-Gabriel Périot

 

C'est le 14 octobre qu'on pourra découvrir le premier long-métrage de Jean-Gabriel Périot, une chronique très originale du sanglant itinéraire de la bande à Baader. Le film est un montage savant de documents d'archives qui replace cette histoire dans la longue période de l'après-guerre en Allemagne de l'Ouest.

Il rappelle notamment qu'avant de devenir la plus célèbre terroriste de son temps Ulrike Meinhof fut une journaliste et une débatteuse redoutable, extrêmement présente dans le débat politique des années soixante, proposant un discours radical mais très articulé, tenant tête à ses contradicteurs avec une énergie étonnante.

Son choix de l'action ultra-violente est mis en perspective grâce à la grande habileté du réalisateur. En montant ces archives sans les commenter, il ne défend ni ne condamne et permet de suivre sa chronique jusqu'à la mort suspecte des activistes pendant leur détention exceptionnellement dure. Andreas Baader, Gudrun Ensslin sont présents à l'écran, ainsi que leur avocat flamboyant, Horst Mahler, dont il est utile de savoir qu'il a fini par devenir un néo-nazi, négationniste furieux aujourd'hui en prison.

Le cinéaste militant Holger Meins a sa place aussi, puisqu'il est celui qui pensait les images dans le groupe. L'Allemagne la plus réactionnaire, celle d'Axel Springer ou de F.J. Strauss par exemple, est largement mise en avant, comme l'attitude du gouvernement Schmidt et on arrive à une articulation passionnante entre blocage social et ultra-violence terroriste. Refusant de commenter, Périot fait un travail extraordinaire qui incite le spectateur de 2015 à s'interroger au fond, quarante ans après. La question étant ce que signifie aujourd'hui le mot démocratie. La conclusion du film est laissée à Fassbinder lui-même dans un extraordinaire dialogue avec sa propre mère. Un vrai film politique.

 

René Marx
La Vie des films
octobre 2015
www.laviedesfilms.com/critiques/Une-jeunesse-allemande.htm